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Nouvelle: Il y a des trous dans le plafond

12 décembre 2010

Il y a des trous dans le plafond

 

Il y a des trous dans le plafond. Des trous ronds de deux pouces de diamètre. On nous met en garde contre ce genre d’établissement: y entrer, c’est remettre son sort entre les mains de la chance. Entre les murs d’un étau capricieux. Parce que les plafonds sont les planchers des étages supérieurs. Trois étages, trois parquets en bois, superposés avec des trous alignés les uns sur les autres à l’horizontal ou en oblique. On les bouche avec des pots de chambre, des meubles ou des chiffons. Des guenilles que les gamins s’amusent à enlever pour espionner les voyageuses de l’étage du dessous.

 

Au rez-de-chaussée, on danse, on boit, on meurt. On apprend qu’une balle à l’abdomen, ou dans le dos, ce n’est pas la fin du monde. Ça se retire, ça se recoud. Pourvu que l’opération soit faite dans les heures qui suivent.

Au second, une des chambres héberge un joueur et sa complice. Toujours elle observe la partie qui se déroule en-dessous par les brèches dans le plancher. Ils ont un signal. Quand il se gratte le lobe d’oreille gauche, c’est qu’il est en train de perdre. Alors elle descend pour distraire les adversaires le temps qu’il triche un peu. Trop souvent, il affronte des fermiers ou des borgnes. Des rivaux qui n’ont aucune chance. Ce n’est pas tous les soirs qu’il a besoin d’elle. Quand il rentre se coucher au lever du jour, elle fait semblant de dormir. Elle fait semblant qu’elle n’a jamais besoin de lui.

Au troisième, une vieille dame habite en permanence la plus grande chambre. C’est son étage. Pas de jeu, pas d’amour. Pas de chicane. Pas de compromis, pas de danger. Elle espionne la complice qui espionne le joueur. Elle aussi elle regarde par les trous, quoiqu’ils soient moins nombreux. Il y a moins de chance qu’une balle se rende jusqu’au troisième. Moins de risque de se trouver vis-à-vis d’une nouvelle percée.                                                                                                                                  Moins de chance de recevoir une balle à l’abdomen.                                                  Moins de chance d’être secouru dans les heures qui suivent.

 

-Voisine3

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